jeudi 16 octobre 2008

Voir la ville : question de vitesse

Mike Davis, Le pire des mondes possibles. De l’explosion urbaine au bidonville global, Paris, La Découverte, 2006.
Olivier Mongin, La condition urbaine, Paris, Point/Seuil, 2007.
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C’est bien ce véhicule fou qui fonce dans le mur et, peut-être, explosera avant d'y parvenir que nous présente Mike Davis. N’a-t-il d'ailleurs pas écrit un ouvrage sur la voiture piégée ? Pourtant, on aimerait que le conteur apocalyptique des errements d'une "bonne gouvernence" libérale, s’arrête, ralentisse, descende de ce véhicule. En somme, qu’il sorte un peu de la bibliothèque et du cercle des intellectuels progressistes aux justes indignations, pour entrer dans la ville du Sud - enfer dont il explore les cercles de loin, de si loin. Qu’il s’insinue dans la chair de la cité hurlante, qu’il étouffe, qu’il ait peur, qu’il sente le sol se dérober; qu'il rit aussi, et partage les colères et les utopies éphémères de la favela globale. Qu’il nomme ceux qui n’apparaissent, dans le livre, que comme des figures détachées de la horde, hors limes, qui gronde et agonise. Qu’il parle, d'homme à hommes/femmes. Mais comme dans Cosmopolis de Don De Lillo, la cadillac noire du pamphlet traverse le monde et l’homme pressé (proche en cela du technocrate de la Banque Mondiale) ne détourne pas le regard des dossiers accumulés.
Olivier Mongin, lui, conduit autrement sa condition urbaine. Le prudent véhicule apprivoise la vitesse de mort, ne customise pas le chaos. Peut-être en reste-on trop à une ville du dessus, à la Arthus-Bertrand, oubliant peut-être là aussi, l'essentiel : l'urbain. Mais Mongin, qui sait prendre son temps, ne nous perd en route, universalise le propos et discerne, malgré les signalétiques confuses qui nous sont égarrent, les moments du voyage où la chaussée s’arrange, ou du moins, peut s’arranger.

Archives nationales portugaises


Je pense à ceux qui ont tamponné ici le monogramme T et en dessous Torre do Tombo, en bleu.

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Tout à côté, une chercheuse consulte des partitions enluminées dans un énorme manuscrit Je suis un peu ébloui et vaguement jaloux. Mes documents, paraissent si banals : rapports administratifs écrits à la machine, tampons, vague signature, en-têtes officiels. Parfois des ajouts manuscrits : précisions à l'encre claire, commentaires signés. Mais derrière beaucoup d'entre eux, les probables séances de torture de la PIDE, la Gestapo de l’époque de Salazar.

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Hall immense et vide. Une femme de ménage astique des fauteuils confortables où personne ne viendra s’asseoir avant longtemps. C’est l’été. Il n’y a que des fous pour venir s’enfermer ici; cette crypte de documents qui vous filent des démangeaisons. Des regalia sont exposés à l'entrée mais seul, le bar m’intéresse.

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Passeport de Noémia de Sousa (l'immense poétesse mozambicaine) où elle sourit et où je touche ses impressões digitais. Emouvant. Comme des reliques. Reliques au-dessus du malheur. Joie simple de ce regard, de côté. Une jeune fille qui déjoue la machine à identifier.
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Je ne demande pas la reproduction de ces photographies : assez de paperasse, d’attente. D'un cliché à l'autre, Noemia embellit, quitte son attitude d'enfant boudeuse. Fin des années 1950, la jeune femme traverse la colère et trouve un visage.

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La petite magasinière a toujours le pied léger. A peine lui ai-je tendu le lourd dossier qu'elle m'en donne un autre. Quel âge peut-elle avoir ? Quel est le secret de sa bonne humeur malgré l'austérité du lieu ?

Notker le bègue

Notker, le bègue dans L’histoire de France de Marc Ferro. Pauvre Notker, moine à Saint-Gall qui n'a droit qu'à une toute petite allusion pour une création si grandiose quand même : "Charlemagne, inventeur de l’école". Son nom, dans l’index arrive tout en bas. Un peu plus haut, il y la famille Nora, les Normands et la Normandie, Nrodom et en dessous, Noury Saïd.

jeudi 3 juillet 2008

Les villes du NON

Le journaliste américain d’origine indienne Suketu Mehta, né à Bombay et revenu vivre à Mumbai, s’insinue dans les failles de la « ville du NON » (Bombay Maximum City, Buchet-Chastel, 2006). Frappé dans le quotidien par l’impossibilité érigée en système, il s’appuie sur les petites stratégies que lui conseillent ses proches, perdant ses illusions, gagnant une écriture, et passe outre.
Il faudrait s’interroger inlassablement sur les « non » de la ville.
Un cran au-delà dans le chaos, le poète Frankétienne ne se demande pas pourquoi la « ville est en panne » (Port-au-Prince), mais « s’envertige » de la voir debout et si vivante entre « la boue et l’or » ("Je m'envertige" in Anthologie secrète, Mémoire d'Encrier).
Il faudrait questionner toujours plus les polarités et les lumières si contradictoires de la ville.

Aristote et les chevaliers teutoniques

Image tirée du film Alexandre Nevski

Au final, la belle saillie qui se voulait conquérante de Gouguenheim (Aristote au Mont Saint-Michel) finit un peu comme la Berezina, avant l'heure, filmée par Eisenstein en 38. On y voyait fuir les chevaliers teutoniques (l'un des thèmes d'étude de l'historien), sur cet air patriotico-ironique orchestré par Prokofiev. Il manquait sans doute à Gouguenheim le sens de l'espace (celui qu'Einsenstein le peintre déploie justement dans le film) pour penser de manière plus sérieuse la circulation du savoir au Moyen Age (relisons Juan Gernet, Libera, Urvoy etc.) et quelques textes de base (sur le monde musulman).


mardi 1 juillet 2008

Dharavi

Il y aurait encore cette saison des pluies qui dessine une autre ville. Détour par Brel : « la pluie traversière/qui bat de grain en grain »("Les Marquises") ou cette pluie intime ("Knokke-le-Zoute Tango"). Réminiscences de Tamatave dans cette photo de la pluie qui tombe avec bonheur sur cette petite fille de Dharavi à Mumbai (19e Visa pour l'image, Perpignan, 2007). La saison des pluies en ville : objet d’étude pour un historien ?







vendredi 27 juin 2008

C'était jour de comice





C'était jour de comice. Les bêtes, elles nous tentaient. Mais l'accès ? regarde toi-même : comment passer ? Les bêtes ? Mais n'es-tu pas l'une d'entre elles ?